Vous l’avez déjà probablement croisé, lu ou entendu : le terme de commun est de plus en plus largement employé, notamment dans le domaine de la médiation numérique. Mais de quoi s’agit-il ?

La définition de Wikipédia est assez éclairante :

Les communs sont des ressources partagées, gérées et maintenues collectivement par une communauté ; celle-ci établit des règles dans le but de préserver et pérenniser ces ressources tout en fournissant aux membres de cette communauté la possibilité et le droit de les utiliser, voire, si la communauté le décide, en octroyant ce droit à tous. Ces ressources peuvent être naturelles (une forêt, une rivière), matérielles (une machine-outil, une maison, une centrale électrique) ou immatérielles (une connaissance, un logiciel). Source Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Communs

Que sont-ils, qui sont leurs réseaux ?

Le site Labo Société Numérique donne une définition un peu plus complète de ce qu’est un commun numérique.

*Définition : un commun désigne une ressource produite et/ou entretenue collectivement par une communauté d’acteurs hétérogènes, et gouvernée par des règles qui lui assurent son caractère collectif et partagé. Il est dit numérique lorsque la ressource est dématérialisée : logiciel, base de données, contenu numérique (texte, image, vidéo et/ou son), etc.

Les communs numériques ont des caractéristiques nouvelles :

Ainsi, les communs numériques gagnent à être partagés, car ce partage augmente directement la valeur d'usage de la ressource et permet par ailleurs d’étendre la communauté qui la préservera. Le numérique est donc à l’origine du développement de communs d’un nouveau genre par différenciation avec les communs naturels ou matériels, ouverts et partagés, accroissant d’autant plus leur potentiel.

Les exemples de communs numériques les plus évidents, car utilisés au quotidien, sont probablement le système d’exploitation Linux, le navigateur web Firefox et l’encyclopédie en ligne Wikipédia. De plus en plus de bases de données collaboratives émergent aussi comme communs numériques, tels OpenStreetMap en matière de données géographiques, Open Food Facts pour les produits alimentaires ou encore TelaBotanica, véritable encyclopédie botanique collaborative.*

Source Labo Société Numérique : https://labo.societenumerique.gouv.fr/fr/articles/les-communs-numériques-un-modèle-innovant-de-développement-des-ressources-numériques/

Cette ressourcerie est elle aussi un commun numérique car elle correspond à ces critères.

Un excellent résumé a été produit à l’occasion de Numérique En Commun[s] (NEC), qui est elle-même une forme de commun numérique

Sinon il y aussi cette vidéo de Data Gueule qui vous explique tout ça :

https://videos.lescommuns.org/w/g8Yrmsk3NJw462278Emwhi

L’histoire d’une idée

L’idée de biens communs n’est pas nouvelle, on peut même retrouver celle-ci dès l’Antiquité romaine dans le Code de Justinien daté du VIème siècle. Dans ce code du droit romain existait la distinction entre les biens privés (Res Privatae), les biens publics (Res Publicae), les choses n’appartenant à personne (Res Nullius) et les “choses communes” (Res Communis), qui étaient notamment les rivières, les côtes, etc. Ce sera ensuite du Moyen Âge, jusqu’à l’Ancien Régime qu’on parlera de “biens communaux” tels que forêts, landes, marais, pâturages, alpages.

Appartenant à tout le monde, ces communs permettaient aux plus démunis d’assurer leur subsistance et peuvent être considérés comme une forme primitive de protection sociale. Leur existence a perduré en Angleterre avec les “commons” jusqu’au début du XIXe siècle, période à partir de laquelle ces terres furent petit à petit “enfermées” par les propriétaires terriens. En France cette notion de terres communes a subsisté plus longtemps est s’est progressivement dissoute dans la notion de propriétés publiques.

Cette dissolution des biens communs a inspiré l’article de l’américain Garret Hardin qui en 1968 publie “ La Tragédie des Communs”dans la revue Science, article qui veut démontrer que les sociétés humaines sont incapables de préserver des ressources naturelles, du moment que celles-ci sont mises en partage.

Si le concept de communs n’est pas nouveau, c’est en 1990 dans La Gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles d’Elinor Ostrom (économiste, politologue et prix Nobel d’économie américaine) que cette idée connaît un regain d’intérêt et une nouvelle perception. Dans cet ouvrage, la chercheuse étudie la gestion de ressources naturelles par des groupes qui utilisent des formes de propriété collective nommés ”biens communs”. L’histoire et le monde contemporain étant beaucoup perçus au travers de la privatisation ou de la gestion par l'État, cette analyse démontre qu’ont existé des régimes de propriété collective pérennes.

L’intérêt des communs numériques

Horizontalité

Là où l’action des États, voire des collectivités est généralement très verticale (c’est-à-dire qu’elle s’impose d’un décideur aux citoyens), les communs sont au contraire horizontaux et basés sur la participation volontaire de celles et ceux qui vont l’enrichir. Dans le même esprit que les logiciels open source, cela peut apporter une plus grande pérennité au projet, en même temps qu’une plus grande sécurité s’agissant d’un logiciel par exemple. L’Open et les communs sont deux faces d’une même volonté de participation et de partage libre en dehors du contrôle, qu’il soit public ou privé. Il y a un fonctionnement vertueux de la participation qui enrichit la ressource : plus celle-ci est de qualité par l’action de tous, plus celle-ci est attractive et donc attire plus de participants. Cette horizontalité se double d’une vigilance concernant à la fois les participations et la gouvernance de la ressource.